Arrêt E3
Dans ce premier tournant en épingle à cheveux (1835m, 46°06’48’’_7°30’19’’), on voit apparaître sous les marbres gris une autre lithologie, des quartzites blanchâtres qui sont d’anciens sables côtiers, devenus grès, puis quartzites, lors de l’enfouissement des roches pendant le plissement alpin (phénomène de subduction et de métamorphisme). Ces quartzites sont représentatifs de la base du Trias (250 à 240 Ma) et les calcaires gris en gros bancs de E2 qui s’étendent jusqu’ici, représentent le Jurassique inférieur à moyen (180 à 155 Ma).
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Entre ces deux périodes, l’océan alpin s’est ouvert (vers 190-180 Ma), et il manque ici toute une partie du Trias et du Jurassique inférieur qui a été érodée ou non déposée pendant l’ouverture de l’océan. Le phénomène qui mène à l’ouverture de l’océan s’appelle rifting (du rift Est-Africain), c’est la fracturation à grande échelle de toute la lithosphère.
Entre l’océan et le continent on trouve la marge continentale, constituée de blocs basculés de l’ancien rift. Pendant la fermeture de l’océan, des fragments de ces blocs vont être détachés de leur substratum et pris dans le prisme d’accrétion. Ce prisme est représenté par les calcschistes et prasinites de la nappe du Tsaté, raclés sur le fond de l’océan et accumulés devant la plaque africaine.
Les quartzites du Trias sont plus anciens que l’océan, ils appartiennent donc au continent et non à l’océan; les calcaires massifs qui leur sont associés ici représentent les sédiments déposés pendant l’ouverture du rift alpin. Comme on l’a vu, il s’agit de microbrèches calcaires déposées sous forme d’avalanches sous-marines.
Ces dépôts remplissaient des petits bassins entre les blocs basculés de l’ordre de 10 à 20 km de large, chaque bloc formait une espèce de marche, basculée vers le continent, il pouvait y avoir jusqu’à une dizaine de ces grandes marches entre le continent et l’océan.
A chaque marche on descend de quelques centaines de mètres, pour se retrouver à la fin au niveau du plancher océanique vers -4000 ou -5000m. Cette zone entre le continent et l’océan (marge continentale) faisait donc une centaine de km de large. Ici, entre La Forclaz et Evolène, on retrouve trois des blocs basculés, et les 100km de la marge sont maintenant réduits à quelques km!
L’ensemble de roche allant du tunnel jusqu’au tournant représente l’écaille des Cîmes Blanches, replissée à l’intérieur de la nappe du Tsaté; c’est un des trois anciens blocs basculés de la marge européenne. Cette écaille devient plus épaisse de l’autre côté de la vallée vers la Meina et le pic d’Artsinol où l’on peut voir d’importants dépôts de brèches du rift. Comme ces brèches grossières manquent ici on peut penser que cet affleurement était plus loin de la source de débris.
Panorama
Dans le tournant de la route on peut aller jusqu’au point de vue sur la vallée (1830m, 46°06’48’’_7°30’17’‘). Depuis là, en regardant vers l’ouest/nord-ouest, on voit la pente au-dessus de Lana (l’Âla, ancien verrou glaciaire, voir Itinéraire C, arrêt 10) qui forme le dos de la nappe de Siviez-Mischabel (la nappe du Mt Fort étant représentée par les falaises en-dessous de nous,au-dessus d’Evolène). On arrive là au continent européen (ou domaine Briançonnais). Au moment du rifting jurassique, ce morceau de continent représentait l’épaulement du rift.
NB: c’est de cette surface de l’Âla que se sont décollés les sédiments qui forment maintenant les Préalpes Fribourgeoises.
- On continue l’excursion en grimpant le long des quartzites, on peut observer localement le contact quartzite marbres (photo). On arrive jusqu’aux deux bancs où l’on peut s’asseoir pour admirer le paysage vers le Sud (Dts de Veisivi au centre, Tsa de l’Ano, Dt Blanche, Dt d’Hérens à gauche, Pigne d’Arolla à droite, tous ces sommets sont dans la nappe de la Dent-Blanche, représentant la plaque africaine). Entre les deux bancs 1855m, 46°6’50’‘_7°30’20’‘) on prend un petit sentier (marques bleu clair) vers le nord qui nous amène à un chemin (1920m, 46°07’11‘_7°30’21‘) et quelques mayens. Au-dessus de la grange à droite des deux mayens, on a un sentier qui nous amène à des affleurements de quartzite, formant plusieurs écailles.
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